Entretien croisé avec Driss Guerraoui, Président de l’Université ouverte de Dakhla et Philippe Clerc, Président de l’Association internationale francophone d’intelligence économique « Nos livres sont porteurs d’un message d’humilité et d’une ambition collective »
Vous avez présenté au Souverain trois livres qui rassemblent les résultats des travaux de l’Université ouverte de Dakhla. Quel message essentiel portent ces ouvrages ?
Philippe Clerc : Les trois ouvrages que nous avons remis au Souverain sont les Actes des trois premières Rencontres internationales de Dakhla organisées à l’initiative du Royaume du Maroc dans le cadre de l’Université ouverte de Dakhla, concept imaginé par le Professeur Driss Guerraoui, dont la création a été décidée en 2010 par l’Association d’études et de recherches pour le développement présidée par le Professeur Driss Guerraoui et par l’Association internationale francophone d’intelligence économique que je préside. Ses partenaires sont la wilaya de Dakhla-Oued Addahab, la région de DakhlaOued Addahab, le conseil de la ville de Dakhla et l’Agence du Sud. Mais surtout, sa création fut pensée et encouragée par les 41 experts, venus de 18 pays, réunis à cette occasion à Dakhla et repré- sentant les cinq continents. Le message essentiel que portent ces trois ouvrages, qui désormais se trouvent à la Bibliothèque royale, est un message à la fois d’humilité et de formidable ambition collective. Nous sommes partis du constat, partagé avec beaucoup, que nos organisations nationales et régionales déployaient des grilles de lecture et d’analyse du monde, de «sa grande transformation», de ses crises et de ses avancées sociales et économiques, provenant d’un monde révolu. La mondialisation et ses réseaux complexes de production, ses chaines de valeur mondiales, créent des tensions inédites dans les territoires, ces espaces qui portent les espoirs des peuples et tant de fractures sociales. Pour penser cette complexité, pour la comprendre et tenter de la dépasser, il convenait dès lors de s’interroger : comment reformuler les fondamentaux de nos boussoles stratégiques, refonder des capacités d’intelligence des situations, et cela à travers une posture d’interrogation plus que de production de solutions, un état d’esprit de découverte ? Il fallait imaginer un mode d’action fondé sur la rupture avec le passé et sur l’innovation ouverte. Il est bien là le message de nos trois ouvrages collectifs qui, faut-il le signaler, ont bénéficié tous d’une coédition marocaine et internationale. Ainsi, à travers cette démarche et à partir de ses travaux et productions, devenus de véritables outils de travail, l’Université ouverte de Dakhla s’est transformée, au fil des rencontres, en un véritable incubateur mondial. C’est à l’honneur du Maroc de le porter, de le faire vivre et de le pérenniser.
Quel bilan faites-vous des travaux de l’Université ouverte de Dakhla ?
Driss Guerraoui : Le résultat le plus important est de nature humaine, institutionnelle et straté- gique pour notre pays et son prolongement africain. Il réside dans la constitution d’un réseau international d’experts transdisciplinaires réunis au sein l’Université ouverte de Dakhla. Ce réseau international est devenu un véritable «incubateur-monde», selon l’expression du Professeur Philippe Clerc. Il est porté par ce que le Professeur Xavier Richet qualifie d’«esprit de Dakhla». Il constitue une formidable capacité de mobilisation d’intelligence collective et collaborative permettant d’aborder les questions les plus complexes et inédites, croisant mondialisation, développement local, industrialisation, crises sociales et des systèmes éducatifs, géopolitique, géoéconomie, révolution numérique, intelligence économique et veille stratégique. Seule une Université ouverte permet cette alchimie : produire un savoir collectif résolument innovant et tourné vers l’avenir, qui béné- ficie à chacun, comme ouverture à de nouvelles connaissances, de nouvelles grilles de lecture et de visions : où chacun, venu de Russie, du Chili, du Brésil, du Mexique, du Mali, du Cameroun, du Sénégal, d’Afrique du Sud, de Tunisie, du Canada, des Caraïbes, d’Hawaï, du Vietnam ou de Chine, apprend de l’autre, de ses avancées, mais aussi de ses erreurs, de ses cécités, et où les cultures se croisent et se fécondent. Ce bilan ouvre des perspectives réelles à l’Université ouverte de Dakhla en termes de consolidation et d’extension du ré- seau d’experts, de chercheurs et d’acteurs institutionnels en charge du développement de leurs territoires, en termes de contribution à la réflexion mondiale sur les grandes problématiques de notre temps et d’ancrage dans son espace originel de création, à savoir la région de Dakhla-Oued Addahab et, à travers elle, les provinces du sud du Royaume et leur prolongement africain.
Les prochaines actions et rencontres de l’Université ouverte de Dakhla s’inscrivent-elles dans cette même perspective ?
Driss Guerraoui : Oui, elles s’inscrivent dans ce même esprit. Il s’agit de la publication en novembre 2017 des travaux de la quatrième rencontre qui a porté sur «Les jeunes du monde et le développement durable, quelle contribution», l’organisation sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI les 7 et 8 décembre 2017 de la cinquième rencontre sur le thème : «la Nouvelle Économie mondiale, transformations structurelles, impacts et réponses des acteurs, expériences internationales comparées», et la tenue de la sixième rencontre au mois de mai 2018. Cette sixième rencontre revêt un intérêt particulier pour notre Université, car elle s’inscrit dans la dynamique de promotion de la coopération Sud-Sud, de la co-émergence et du co-développement au niveau de notre continent, dynamique qu’appelle de ses vœux Sa Majesté le Roi, puisque qu’elle portera sur un thème d’utilité majeure dans ce sens, à savoir «Acteurs, institutions et politiques d’intelligence économique en Afrique, expériences comparées».
Propos recueillis par B.M. dans Le Matin
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